Les réserves expriment le mécontentement du demandeur, d’ailleurs elles doivent empêcher la naissance d’une présomption.
Cependant, cette présomption de livraison conforme ne pourrait être détruite que si le destinataire donne un avis de perte ou de dommage, y compris celui résultant d’un retard à la livraison dans les délais et selon la forme exigée.
Quant à la convention de Hambourg, la présomption de la livraison conforme pourra être combattue par la preuve contraire ce qui explique que la convention de Hambourg était moins rigoureuse que les règles posées par le DCCM.
L’article 262 du DCCM traite seulement des pertes partielles et les avaries particulières, c’est ainsi que la perte est dite partielle quand il n’y a pas eu de perte totale des marchandises, la qualité des preuves produites par la partie ayant subi le dommage est liée à l’efficacité de l’action en dommages et intérêts.
Par ailleurs, la personne désignée par le connaissement comme destinataire, comme dernier endossataire ou comme réceptionnaire, est la seule habilitée à faire ces réserves.
Ces dernières peuvent être faites par toute personne lésée au port de déchargement y compris le destinataire, le chargeur ou leur mandataire et l’acconier se dégageant ainsi de toute responsabilité au détriment du transporteur.
S’agissant du DCCM, l’article 262 ne donne aucune précision quant à la personne habilitée à formuler ces réserves. En revanche, le code de commerce n’a pas manqué de combler cette lacune en désignant le destinataire. Par conséquent, le transitaire, quoique ne figurant pas au connaissement comme destinataire, mais du fait qu’il prend livraison pour le compte du réceptionnaire, a qualité pour rédiger des réserves et les faire parvenir au transporteur maritime conformément aux exigences de l’article 262. A défaut, il risquerait fort de voir sa responsabilité de mandataire engagée dans le cadre des articles 895 et 903 dans son alinéa premier du DOC.
Les réserves doivent être faites à une personne habilitée à les recevoir, c’est-à-dire la personne qui a assuré le déplacement de la marchandise ou son représentant y compris le consignataire du navire, l’agent maritime et le commis succursaliste sous peine d’irrecevabilité l’action intentée contre l’armateur.
En effet, le tribunal de 1ère instance de Casablanca en date du 22/10/1957 a jugé qu’il est irrecevable, par application de l’article 262 du DCCM, l’action exercée contre l’armateur, alors que la lettre des réserves prévue par l’article 262 du DCCM n’a été adressée ni à ce dernier, ni au consignataire du navire, seul qualifier pour le représenter.
Le DCCM dans son article 262 n’a pas prévu l’éventualité d’adresser cette protestation ni au transporteur substitué ni aux personnes agissant au nom du transporteur contractuel ou substitué. Cependant, on constate que dans la pratique, la lettre des réserves est adressée aussi bien au transporteur, en la personne de son capitaine de navire ou à son agent, qu’au manutentionnaire à terre.
S’agissant des réserves adressées à ce dernier, la question est de savoir pour le compte de qui il agit et est ce qu’il est tenu de prendre de telles réserves pour le compte du transporteur ?
Si le connaissement permet au capitaine de désigner une entreprise de manutention ou lui donne mandat pour ce faire, les réserves adressées à l’acconier pour le compte du réceptionnaire ne sont pas opposables au transporteur.
En revanche, lorsque le connaissement ne donne pas mandat au capitaine de désigner un acconier pour le compte du réceptionnaire, les réserves adressées à l’acconier sont opposables au transporteur dès lors qu’il agit pour le compte du transporteur.
Dans tous les cas de figure, le déchargement de la marchandise et sa remise entre les mains du manutentionnaire ou autre autorité compétente ne signifie pas remise effective au destinataire : le transporteur reste responsable tant que la marchandise n’est pas effectivement livrée au destinataire.
Aux termes de l’article 17 cahier des charges, l’ODEP est tenu d’adresser au transporteur ou à son agent un état différentiel dans les six jours ouvrables à compter de la fin du déchargement sous réserve qu’il dispose d’un manifeste complet permettant le pointage…
Quant aux délais des réserves, ils différent selon qu’il s’agisse du texte applicable c’est-à-dire du DCCM ou de la convention de Hambourg et du projet de loi ; et selon qu’il s’agisse d’un dommage apparent ou d’un dommage non apparent ou encore d’un dommage résultant d’un retard à la livraison. Ce délai est fixé à 8 jours -jours fériés non compris de la mise à la disposition effective de la marchandise à l’ayant droit, peu importe que le dommage soit apparent ou non contrairement à la position adopté par les conventions internationales et certaines législations comparées (article 3 alinéa 6 convention de Bruxelles, Article 19 convention Hambourg).
Cette mise à la disposition effective connait plusieurs interprétations jurisprudentielles en raison du monopole de fait et de droit dont bénéficiaient certains aconiers.
Bien sûr, rien n’empêche l’ayant droit de formuler ces réserves avant la livraison.ces réserves anticipées sont admises par les tribunaux marocains car les dispositions de l’article 262 du DCCM qui frappe de forclusion toute protestation tardive n’interdisant pas au destinataire de faire cette protestation dès qu’il a été à même de constater les manquants ou avaries avant de procéder à l’enlèvement.
Il est vrai que le DCCM, ignore cette distinction puisqu’il institue un seul et même délai ; lequel est fixé à 8 jours – jours fériés non compris. Passé ce délai, il y a forclusion et par conséquent l’action du demandeur est irrecevable, alors que, le projet de loi (article 302 et 305) et la convention internationale de Hambourg- considèrent l’absence de réserves comme une présomption, sauf preuve contraire, que les marchandises ont été livrées conformément ou convenablement.
Les délais que le DCCM ou la convention laissent au destinataire pour formuler ses réserves commencent au moment de la livraison effective ou la délivrance de la marchandise ou selon l’expression du DCCM de la mise à la disposition effective du destinataire. Donc le point de départ de ces délais, en droit marocain, est différent de ceux de la convention de Hambourg qui opte pour « la prise de la livraison » ou selon le projet qui parle plutôt de « la remise de la marchandise ».
Partant de là le déchargement de la marchandise ou, encore la remise des marchandises aux mains de l’acconier-dépositaire autre autorité compétente ne signifie pas remise effective de la marchandise à qui de droit. Il s’agit donc de la prise en possession de la marchandise par le destinataire.
S’agissant de la position de la doctrine et de la jurisprudence marocaine qui traduit la spécificité des ports marocains n’est pas unanime.
Selon la plupart des auteurs et des tribunaux, on considère que la réception des marchandises implique d’après l’esprit de la loi l’arrivée des marchandises à destination, leur délivrance régulière à qui de droit et, en outre, une prise de possession matérielle dès lors la remise des marchandises effectuée au service de l’acconage et leur dépôt dans ses magasins ne constituent pas une mise à la disposition effective. Par conséquent, c’est la date du contre bon à délivrer qui marque le point de départ du délai de protestation motivé prescrit par l’article 262 et, par conséquent, qui constitue une preuve suffisante de la mise à la disposition effective ou de la remise effective des marchandises à qui de droit.
Si l’article 262 du DCCM n’a pas prévu l’éventualité d’adresser cette protestation ni au transporteur substitué ni aux personnes agissant au nom du transporteur contractuel ou substitué, il a , en revanche exigé impérativement et limitativement une protestation motivée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée suivie et dans les 90 jours d’une action en justice ce qui constitue une garantie. Autrement dit, les réserves expédiées par lettre ordinaire ne peuvent être substituées aux prescriptions légales même si le transporteur avoue et ne conteste pas la réception.
La jurisprudence marocaine a rappelé à ce sujet que les P.T.T jouissent d’un monopole et que c’était la date d’envoi de la protestation c’est-à-dire la date de la mise à la poste qui comptait seule, à l’exclusion de toute autre date portée sur la lettre elle-même. Par conséquent, le récépissé de l’envoi recommandé constitue pour le réceptionnaire la preuve des réserves que le DCCM met à sa charge. Ces réserves doivent être faites par acte extra judiciaire ou par lettre recommandée, la date d’envoi de la protestation fait foi. Donc le récépissé d’envoi recommandé établi la preuve des réserves. Mieux encore, un accusé de réception serait le bienvenue pour mieux asseoir la régularité de ces réserves. Toute fois cette formalité nous parait insuffisante et qu’il convient par conséquent de la renforcer par un accusé de réception.
Aussi ces réserves doivent elles être suffisamment motivées et c’est-à-dire dans la mesure possible précise et claire démontrant ainsi la nature du dommage, le nombre des colis perdus ou avariés avec leurs numéros et autre indication susceptible de les individualiser qui impliqueraient la responsabilité du transporteur sinon la présomption de livraison conforme ne peut être détruite. Donc les réserves générales et de style sont considérés comme non avenues. Par contre, l’indication d’avarie constitue des motifs amplement suffisants (article 262 du DCCM).
Il est à noter par ailleurs que dans la pratique l’ayant droit peut demander après l’envoi de la lettre de réserve transporteur ou à son agent de faire une constatation de l’état de la marchandise en présence d’agent de l’ODEP. Ce constat peut être effectué à domicile du réceptionnaire d’où la question de son opposabilité. L’expertise amiable ne peut être opposable qu’à ceux qui ont assisté sans protestation ni réserve. Bien mieux, l’estimation unilatérale constitue une preuve suffisante des dommages soufferts bien que l’armement n’y a pas été convoqué régulièrement tant qu’il a assisté aux opérations les plus importantes exigeant que le transporteur soit régulièrement convoqué pour que le juge puisse puiser les renseignements qui lui serviront à former son opinion. Cette convocation est requise sous peine de nullité dans les expertises ordonnées par une décision de justice. Par ailleurs au terme de l’article 262 l’envoi de la lettre recommandée est nécessaire ; ce qui revient à dire que le constat contradictoire ne suffit pas. L’expédition d’une lettre de réserve se forme de pli recommandé et dans les délais réglementaires est la base nécessaire de toute action en responsabilité contre le transporteur maritime. Autrement dit, pour échapper à la forclusion qui résulte de l’absence de la lettre de réserve, il faut envoyer sa protestation par lettre recommandée car le fait d’assister à une expertise pour un constat ne permet pas de conclure à une renonciation tacite à cette fin de non recevoir.
Pour les règles de Hambourg cette lettre pour avis de réserve doit être adressée par écrit sauf si l’état de la marchandise a été contradictoirement constater, les deux parties doivent se donner réciproquement toutes les facilités raisonnables pour l’inspection et le vérification des marchandises en cas de perte ou de dommage. Aucune autre formalité n’a été exigée. Cette position a été une autre fois consacrée par le projet de loi dans ses articles 302 et 303. Néanmoins, il nous paraît utile d’imposer la formalité exigée par le DCCM tout en la renforçant, si possible, avec un accusé de réception et ce pour des raisons pratiques.
Il se peut que l’ayant droit ne formule pas de réserves légitimes, dans ce cas il est présumé avoir reçu cette marchandise telle qu’elle est décrite au connaissement. On dit qu’il y a là une présomption de livraison conforme laquelle peut être combattue par tout moyen de preuve.
En droit marocain, il y a dans ce cas naissance de la présomption de la livraison conforme et, par conséquent, irrecevabilité de l’action. Aux termes de l’article 262 du DCCM.
Cette contestation ne suffit pas à elle seule, elle doit, à peine d’irrecevabilité, être appuyée d’une lettre recommandée renfermant les réserves motivées exigées par la loi.
D’où la sévérité du DCCM, vis-à-vis du destinataire puisqu’il prévu la déchéance de droit d’action en cas d’absence de protestation ou de protestation irrégulière ; c’est-à-dire lorsque la protestation est non motivée ou adressée en dehors du délai réglementaire sauf renonciation, tacite ou expresse, à la fin de non recevoir avant ou après l’exécution du contrat étant donné que les dispositions de l’article 262 du DCCM ne sont pas d’ordre public bien qu’elles soient impératives. On estime très équitable de modifier l’article 262 du DCCM afin de permettre à l’ayant droit négligent de détruire cette présomption de fait, bien que la preuve semble être difficile à administrer rejoignant ainsi le droit comparé.
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