La Prime Annuelle au Maroc : Une rémunération et composant du salaire
Au cœur du paysage professionnel marocain, la prime annuelle incarne bien plus qu’un simple avantage financier pour les salariés, elle symbolise une illustration concrète de l’équité au sein des relations de travail, offrant aux salariés une reconnaissance tangible de leur contribution à l’essor des entreprises, et un encouragement pour les inciter à faire toujours preuve d’autant d’engagement que de fidélité. Décortiquons les rouages de ce dispositif pour en appréhender pleinement l’ampleur et les défis qui en découlent.
Origine et Signification
La prime annuelle est une composante parmi les multiples primes et gratifications accessibles aux salariés. Son caractère périodique est reflété dans son nom ; puisqu’elle est versée annuellement aux salariés éligibles, sous réserve du respect des critères d’attribution préétablis. Elle trouve son origine dans les conventions collectives et les accords entre les employeurs et les syndicats et le contrat du travail.
Cadre légal
Sur le plan juridique, la prime annuelle est réglementée par le Code du Travail Marocain. Bien que le Code du Travail ne prévoie pas expressément une obligation pour les employeurs de verser une prime annuelle, il autorise néanmoins sa mise en place à travers des conventions collectives, des statuts, du contrat de travail, du règlement intérieur ou des usages (Article 11 du Code du Travail). De ce fait, la prime annuelle est souvent négociée lors des discussions entre les représentants des salariés et les employeurs, et également durant la phase de négociation du contrat de travail entre le salarié et son employeur.
Variétés de Primes Annuelles
Les primes annuelles se déclinent en diverses formes, on cite parmi elles :
13ème mois :
Donnée à la fin de l’année, elle représente souvent un mois de salaire supplémentaire ; les employés bénéficiant de cette prime reçoivent un treizième mois de salaire en plus des douze mois habituels.
Prime de rendement :
Elle constitue un incitatif à l’excellence et à l’engagement des salariés envers l’atteinte des objectifs de la société. Elle vise à récompenser les salariés pour leur efficacité, leur productivité ou leur contribution spécifique à la réalisation des objectifs fixés au début de l’année.
Prime de productivité :
Elle vise à récompenser la bonne performance du salarié. Elle est attribuée au collaborateur lorsqu’il atteint les objectifs fixés par son employeur en termes de production ou de performance.
Prime du bilan :
Elle est octroyée aux cadres de la société après la finalisation du bilan de celle-ci.
Modalités de Calcul
L’employeur a le pouvoir exclusif de décider de l’attribution de la prime annuelle. Cependant, sa décision doit tenir compte des dispositions de la convention collective, du règlement intérieur ou du contrat de travail en vigueur. Une fois qu’il décide d’accorder cette prime à ses équipes, l’employeur est ensuite tenu de déterminer le montant ou les modalités de calcul de cette prime. Maintenant, la question qui se pose est de savoir si en l’absence de détermination des modalités de calcul de cette prime, le tribunal est en mesure de rendre un jugement l’incluant en cas de litige concernant la fixation des indemnités de licenciement. En principe, si l’employeur n’a pas établi les modalités de calcul de la prime annuelle, le tribunal pourrait ne pas être en mesure de la déterminer lors du procès. Toutefois, il pourrait se référer aux primes annuelles des années précédentes, telles qu’elles apparaissent sur les fiches de paie.
Suppression ou modification par l’employeur
En application du principe juridique « Le contrat fait loi entre les parties », et conformément aux dispositions de l’article 230 du Dahir des obligations et des contrats, l’accord contractuel entre un employeur et un salarié concernant la prime annuelle ne peut être objet de modification ou de suppression sauf avec consentement du salarié. De même, une prime annuelle établie par usage ou pratique au sein de l’entreprise est considérée comme un droit acquis après plusieurs années de versement régulier. En conséquence, sa modification ou suppression ne peut intervenir qu’avec l’accord explicite du salarié bénéficiaire. A cet égard, un arrêt récent de la cour de cassation offre une perspective éclairante sur ce point :
Arrêt n°291, rendu le 30/03/2022, Dossier social n°2019/1/5/577
D’après les éléments contenus dans le dossier, il apparait que la partie défenderesse dans le pourvoi était responsable des opérations d’import-export et qu’elle avait conclu un contrat de travail avec la partie demanderesse dans lequel cette dernière s’engageait à lui accorder un pourcentage de 10 % sur les objectifs annuels, sans qu’il soit conditionné par une augmentation de rentabilité ou une augmentation du chiffre d’affaires. Parmi les objectifs convenus pour l’année 2010, figurait notamment la récupération de sommes importantes auprès de l’administration des douanes, un aspect non contesté par la partie demanderesse selon les correspondances électroniques échangées durant ladite période. Par conséquent, la partie défenderesse pourrait prétendre légitimement à ladite prime, conformément à la clause stipulée dans le contrat de travail, en vertu de l’article 230 du Dahir des Obligations et des Contrats.
la Commission
Le droit à la rémunération, conformément aux dispositions de l’article 723 du Dahir des Obligations et des Contrats, découle de la prestation de travail fournie par le salarié. Quant aux compléments de salaire, certains ne sont dus au salarié que si les conditions les justifiants sont remplies, comme les commissions de distribution ou de vente. Bien qu’elles fassent partie intégrante de la rémunération en tant que contrepartie du travail convenu, elles peuvent constituer la rémunération de base si elles sont l’unique contrepartie convenue. Elles peuvent également s’ajouter à un salaire fixe perçu par le salarié de manière constante. C’est ce que confirme un arrêt de la cour suprême :
Arrêt n 414 rendu le 25 Avril 1995, Dossier social n 92/8445
« La dernière clause du contrat, sur laquelle le demandeur a fait valoir, avec sa requête d’appel subsidiaire, stipulait que le défendeur était lié en tant que représentant commercial ou agent de vente (concessionnaire) en gros de ses propres produits dans le magasin, moyennant quoi il recevait une part des bénéfices et fournissait au demandeur des données détaillées sur les ventes qu’il avait réalisées. Ainsi, le défendeur restait sous la supervision et le contrôle du demandeur, et était subordonné à celui-ci, ce qui sont les caractéristiques distinctives d’un contrat de travail. Le tribunal est souverain de qualifier le contrat en fonction de sa réalité, et non de ce que stipule la clause. C’est ce que la décision attaquée a fait en considérant que cette clause constituait une relation de travail effective, et que le défendeur, en tant qu’agent commissionné pour le demandeur, était soumis aux dispositions du Dahir 50/07/30 concernant le préavis de trois mois, et que le demandeur était considéré comme un employé sous la supervision et la direction de l’employeur, qui n’a pas nié avoir résilié le contrat sans respecter les formalités de l’article 6 de la réglementation type du 23/10/48… Par conséquent, l’arrêt attaqué est considéré comme étant fondé sur une base légale solide. »
Par WISSAL RAHOU
JURISTE
Au Cabinet MAITRE NKAIRA
0522260432